Samedi 2 Octobre 2021
Milieu d'après-midiMusique d'ambiance ~I miss you, miss you so bad
I don't forget you, oh it's so sad
I hope you can hear me
I remember it clearly «
Mais tu te prends pour qui ?! Tha thu 'nad fhaighean… !! »
Sans avertissement, Duncan se saisit de sa baguette de chêne blanc, et prononce la première formule qui lui passe par l’esprit. «
tein’-adhair ! » Son bras s’arme, réalise un mouvement ample et le sortilège, amplifié par le ventricule de dragon, n’a aucun mal à se réaliser.
C’est alors une véritable boule de feu qui jaillit de la baguette et manque de quelques centimètres à peine le Serpentard qui, au détour d’un couloir, a eu le malheur de plaisanter grossièrement au sujet de l’enseignante d’Etude des moldus décédée dix jours plus tôt.
Paroles malheureuses compte tenu que c’est à cet instant que Duncan sortait de la bibliothèque, juste après avoir emprunté un livre de Soins aux Créatures Magiques. Son sang n’a fait qu’un tour, et après l’insulte en gaélique, c’est un sort de feu typique du clan MacFusty dont il use pour faire regretter ses paroles à l’insolent.
Les flammes ont léché sa manche suffisamment pour déclencher un début de feu, mais l’adolescent étouffe précipitamment les flammèches et détale aussitôt qu’il voit Duncan préparer le sort suivant.
The day you slipped away
Was the day I found it won't be the same
Grmbl.
Insulter sa mère.Eh puis pourquoi pas aller cracher sur sa tombe aussi ?
Le regard azur de l’adolescent se porte sur les traces noires qui marquent le mur au bout du couloir, et il pousse un soupir. Son père aurait honte de savoir qu’il utilise de la sorte les sortilèges du clan. On lui a bien appris à ne pas exploiter ces sortilèges de façon inconsidérée. Il n’est même pas supposé les connaître, d’ailleurs. Il lui a fallu des talents inavoués de manipulation pour obtenir de ses grands-parents qu’ils lui en apprennent quelques-uns, et les moins puissants heureusement.
Il imagine un instant la réaction de sa mère si elle l’avait pris en flagrante utilisation d’un sortilège de feu sur un de ses camarades, et il sent sa gorge se nouer brusquement. Il remet sa baguette à sa ceinture, réajuste la bandoulière de son sac et d’un pas lent, il prend la direction du parc, essayant d’ignorer la douleur qui prend progressivement le dessus sur la colère qui l’animait quelques secondes plus tôt encore.
I hope you can hear me
Cause I remember it clearly
Par Merlin, Duncan ! Tu aurais pu le blesser gravement !L’intonation, l’expression mêlant contrariété, déception et indignation, et l’ombre de Simon, derrière, qui approuve d’un signe de la tête et pose un regard réprobateur sur son beau-fils…
Le genre de scènes auxquelles il avait droit au quotidien, autrefois. Et généralement, ça dégénérait en disputes violentes, au cours desquelles il enchaînait les remarques déplacées, les répliques insolentes et les paroles accusatrices contre une mère qui ne faisait rien d’autre que l’éduquer.
Pourquoi s’entêtait-il autant à lui rendre la vie infernale ?Maintenant, il regrette lourdement son attitude, conscient du fait qu’il a gâché les moments passés avec elle alors qu’ils auraient pu profiter davantage des moments qui leur étaient offerts.
I didn't get around to kiss you
Goodbye on the hand
I wish that I could see you again
I know that I can't
Il contourne une gargouille, se glisse dans un pan de mur derrière et dévale les marches qui descendent tout droit jusqu’au rez-de-chaussée. Il repousse la tapisserie, et traverse le Hall en gardant la tête haute, sans chercher qui que ce soit du regard.
Ne pas repenser aux dernières paroles échangées.
Ne pas penser à la chaleur de ses bras.
Ne pas penser au réconfort de ses sourires.
Ne pas penser.La porte du hall se referme lourdement derrière lui, et Duncan longe le mur, évite les cours intérieures où les élèves ont tendance à se retrouver en dehors des heures de classe, et il arrive enfin au pied d’une des tours. Son sac tombe lourdement sur le sol alors qu’il évalue du regard l’itinéraire qu’il pourrait suivre pour atteindre le sommet.
Son projet est peut-être irréfléchi, mais à l’heure actuelle, il ne voit aucune autre activité pouvant l’empêcher de retomber dans la morosité. Occuper son corps est encore le meilleur moyen pour lui de ne pas ressasser ses souvenirs, sa culpabilité, sa rancœur…
Alors ses doigts calleux agrippent une aspérité de la pierre, il lève le genou droit, trouve un point où enfoncer la pointe de son pied, et son pied gauche quitte à son tour le sol.
I had my wake up
Won't you wake up
I keep asking why
And I can't take it
It wasn't fake
It happened, you passed by
Lentement, l’adolescent escalade la tour d’astronomie, la plus haute du château, s’évertuant à bloquer toutes les images qui pourraient venir parasiter sa concentration.
Une promenade sous le soleil d’été, une soirée jeux de société, une séance devoirs, un anniversaire…
Autant de souvenirs, autant de moments qu’ils ne revivront plus.
Quand il sera arrivé au sommet, il ne pourra pas même courir à ses appartements, venir quémander un jus de citrouille et lui raconter comment il a suivi les conseils de son père pour ne pas chuter, comment il a su deviner, malgré la raideur de la surface, tous les points d’appui nécessaires à son ascension.
Une ascension qui le rapprochera un peu plus des cieux où, peut-être, son âme repose-t-elle. S’il existe des fantômes, cela doit bien signifier qu’il y a un Après, où elle l’attend, où elle l’observe, et où elle se rend compte du fait qu’elle l’ait abandonné.
Now you are gone, now you are gone
There you go, there you go
Somewhere I can't bring you back
Now you are gone, now you are gone
There you go, there you go,
Somewhere you're not coming back
Un endroit d’où il voudrait la faire revenir. Ses doigts ripent sur la pierre, et il manque de glisser, retenu de peu par sa main gauche qu’il n’avait pas lâchée. Son cœur rate un battement, et les larmes qu’il retenait jusque-là commencent à couler le long de ses joues.
La faire revenir.
Lui dire qu’il l’aime.
Savoir qu’elle est là, toujours, pour le réconforter, l’enlacer, le soutenir.
A quoi bon lui consacrer exclusivement sept années de sa vie, pour le laisser seul ensuite, alors qu’il a encore besoin d’elle ?
Le cœur de Duncan se serre subitement, un sanglot lui échappe et…
… sa main manque la prise.
Son pied dérape, et cette fois-ci, il n’arrive pas à se retenir.
Et c’est la panique qui le prend, exprimée dans un cri de terreur, alors qu’il se rend compte qu’il est à plus d’une vingtaine de mètres du sol et que la chute risque d’être mortelle.
The day you slipped away